Dans le processus de vente immobilière, certaines obligations paraissent purement formelles… jusqu’au jour où elles se transforment en véritables bombes juridiques. C’est le cas de l’État des risques et pollutions (ERP) proposé par France ERP. Document souvent négligé, traité en fin de dossier ou même parfois oublié, l’ERP peut pourtant faire basculer une transaction immobilière entière si son absence, son obsolescence ou son inexactitude est révélée entre la promesse et l’acte authentique. Les notaires, garants du bon déroulement de la vente, se trouvent en première ligne. Suite à plusieurs jurisprudences, les obligations d’information et de vérification de la part des notaires s’intensifient. Revenons ensemble sur les règles légales, les erreurs fréquentes et surtout les décisions récentes de la Cour de cassation qui imposent une vigilance accrue.
L’État des risques et pollutions est un document dont la portée a été renforcée au fil des années. Repartons sur les bases légales : le Code de l’environnement, notamment l’article L. 125-5, prévoit que tout vendeur doit informer l’acquéreur des risques naturels, miniers, technologiques, sismiques ou liés au retrait-gonflement des argiles auxquels le bien est exposé.
Cette obligation ne se limite pas à un simple affichage ou à une simple mention orale : l’ERP doit être remis à l’acquéreur au plus tard à la signature de la promesse de vente, et être annexé à cet avant-contrat. A défaut de promesse, celui-ci sera annexé directement à l’acte de vente authentique.
Cette exigence d’annexer le document à la promesse n’a rien d’anecdotique. Elle conditionne la validité de l’information donnée à l’acquéreur. A cette étape précise de la promesse de vente, si l’ERP vient à manquer, alors l’acquéreur peut :
Un autre point essentiel est la date de création du diagnostic. L’ERP doit être établi moins de six mois avant la signature de la promesse. Pourquoi cette limite temporelle ? Elle vise à garantir aux acquéreurs que les informations transmises sont bien à jour, notamment en cas d’évolution récente d’un plan de prévention des risques (PPR) ou d’un nouvel arrêté préfectoral apparu récemment.
Là où les choses peuvent réellement se complexifier légalement, c’est au moment de la signature de l’acte authentique. En effet, plusieurs jurisprudences ont rappelé qu’un ERP valable à la promesse peut devenir obsolète ou erroné au jour de l’acte si des modifications réglementaires interviennent entre les deux signatures. L’obligation du vendeur, mais également celle du notaire, est donc continue dans le temps jusqu’à la signature.
Omettre un ERP ou en annexer un qui n’est plus valable n’est pas une simple négligence. C’est une faille qui peut remettre en cause la vente elle-même. La jurisprudence récente l’a encore rappelé avec fermeté.
La Cour de cassation considère en effet que l’information de l’acquéreur doit être correcte au jour de l’acte authentique. Cela signifie que même si la promesse de vente a été signée dans des conditions parfaitement régulières, une évolution du classement du bien entre la promesse et l’acte peut rendre l’ERP initial caduc. Si aucune actualisation n’a été effectuée, l’acquéreur est en droit d’invoquer un défaut d’information.
De ce fait, un double risque apparaît :
Ces risques sont d’autant plus difficiles à maîtriser qu’ils concernent des situations souvent invisibles ou difficiles à anticiper pour les vendeurs : approbation d’un Plan de Prévention (PPRn, PPRt…), modification d’une zone d’inondation, nouveau classement sismique, évolution d’un plan de prévention technologique,... Ces informations sont particulièrement difficiles à surveiller pour une personne.
Dans beaucoup de cas, les vendeurs n’ont pas connaissance de ces évolutions. C’est donc au notaire qu’il appartient de vérifier la validité de l’ERP au moment de la préparation de l’acte authentique.
Ces dernières années, plusieurs décisions majeures ont précisé cette obligation d’information et les conséquences potentielles d’un ERP manquant ou non actualisé.
Dans un arrêt émis le 19 septembre 2019, la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’un ERP annexé à la promesse n’était plus suffisant lorsqu’un nouveau plan de prévention des risques avait été approuvé avant l’acte authentique.
Autrement dit : peu importe que la promesse ait été régulière, si une évolution réglementaire rend l’information obsolète par la suite, le document doit être mis à jour.
Dans cette affaire concernant un terrain, le classement avait évolué entre les deux signatures. L’acquéreur avait donc été informé trop tardivement et la Cour a admis la résolution de la vente. Ce raisonnement, qui peut surprendre les non-juristes, repose sur une logique simple : l’acquéreur doit disposer d’une information exacte avant de s’engager définitivement, et non uniquement au moment de la promesse, même si celle-ci a valeur légale.
Pour les notaires, cela impose un contrôle renforcé : au-delà de la complétude du dossier, il faut s’assurer de sa pertinence au jour J.
En décembre 2020, la Cour a rappelé que l’État des Risques et Pollutions (ERP) devait impérativement avoir moins de six mois au moment de la signature de la promesse de vente.
Même si aucune modification n’était intervenue entre-temps, le simple fait que le document ait dépassé cette durée suffisait à caractériser un manquement. L’argument selon lequel les informations n’avaient pas changé n’a pas été retenu.
Cette décision incite les notaires à intégrer des vérifications systématiques dans leurs process internes : date du document, date de signature de la promesse, date prévisionnelle de l’acte, risques d’évolution réglementaire, etc.
Dans une autre affaire, la Cour de cassation a jugé qu’une promesse de vente mentionnant simplement « pas de PPRT applicable » était insuffisante si des arrêtés postérieurs venaient modifier le classement de la zone.
Les mentions standardisées ou les affirmations générales ne suffisent donc pas : seule la remise d’un ERP valide et actualisé constitue une information correcte.
Face à ces obligations et à cette jurisprudence renforcée, le rôle du notaire va au-delà de la simple vérification documentaire. Il doit adopter une véritable posture de vigilance active, centrée sur la mise à jour des informations.
Sur les dossiers quotidiens, cela implique :
L’enjeu n’est pas seulement de respecter la loi. Il s’agit d’éviter des contentieux dans lesquels la responsabilité du notaire peut être engagée.
Imaginons une maison située en zone inondable. Le vendeur fournit un ERP valide, daté de quatre mois, au moment de la promesse de vente signée début juin. À cette date, les informations sont exactes. L’acte authentique est prévu en novembre pour une vente longue, en accord entre le vendeur et l’acheteur..
Après les congés d’été, en septembre, un nouveau PPRi est approuvé par arrêté préfectoral, modifiant la cartographie des zones à risque. L’ERP fourni en juin ne reflète plus la réalité du bien immobilier en novembre.
Que pourrait-il se passer ? Si le vendeur ne met pas à jour le document ou si le notaire ne vérifie pas que cette mise à jour est nécessaire, alors la vente pourrait être annulée ou le prix renégocié.
Plus grave encore : la responsabilité professionnelle du notaire peut être engagée pour manquement à son devoir de conseil et de vérification. La faute ne réside pas dans l’absence d’information au moment de la promesse, mais dans le manque d’actualisation au moment où l’acte définitif est signé.
L’État des Risques et Pollutions (ERP) n’est pas un simple document annexe. C’est une pièce maîtresse du dossier de vente, dont l’absence ou l’obsolescence peut bouleverser toute l’opération. La jurisprudence récente impose une vigilance renforcée : l’information d’ERP doit être correcte non seulement au moment de la promesse, mais surtout au jour de l’acte authentique. Pour les notaires, cela implique de revoir certaines pratiques : contrôle systématique des dates, veille sur les évolutions réglementaires, actualisation en cas de doute et conservation rigoureuse des preuves de remise.